samedi 2 juillet 2011

Été 1986

C’est la fin du jour, sur une plage de l’océan. La lumière est irréelle. Sabine et Émilie jouent avec la marée montante, pieds nus. Leurs jeans sont retroussés jusqu’aux genoux. Elles courent avec la mer et elles rient. Sabine en courant touche à peine le sable. Émilie laisse la mer caresser ses chevilles.

Elles rient. Elles courent.

Et maintenant Émilie s’est arrêtée, alors que Sabine continue à courir et à rire. Émilie ne rit plus. Elle est seule, sur le sable et sur l’eau. Elle est droite, fière, hautaine. Une de ses jambes s’avance. Elle ressemble à un navire. A un grand oiseau. Sa main droite repose sur son ventre. Elle a replié l’autre bras pour poser sa main sur son épaule. Elle voudrait peut-être que ce soit la main d’un autre. Celle d’Isabelle, celle de Sabine ou la mienne. Ou celle d’un ange. Ou peut-être qu’elle ne veut déjà plus d’autre main que la sienne.

Son regard me traverse. Elle esquisse quelque chose qui n’est plus un sourire. Son visage est encore celui d’un enfant, déjà celui d’une jeune fille. Elle me dit un jour je partirai, je ne serai plus avec toi. Je pars déjà mais tu ne le vois pas. Tu souffriras l’enfer et moi je ne souffrirai plus. Tu me chercheras sans jamais me trouver. Tu me verras dans tes rêves. Tu seras apaisé. Tu n’oublieras jamais rien. Tu seras en colère. Mais tu penseras que je suis toujours avec toi. Tu réapprendras à rire et à vivre.

Je te protégerai. Tu me protégeras. Nous nous raconterons des histoires. Nous deux, tous les deux, toujours. Nous marcherons ensemble. Le long de la Seine. Dans les jardins du Taj Mahal. Dans les ruelles de Sienne, de Florence, d’Istambul et de Prague. Au soleil couchant de Key West et dans les brouillards du Pacifique. Aux terrasses de Cabourg sous la pluie et dans les palais écroulés des empires. Sur les canaux de Venise et d’Amsterdam. Dans les ruines d’Athènes et de Sparte.

Et dans les cathédrales qui portent mon nom. Émilie.

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