jeudi 7 juillet 2011

Palermo, les quatre premiers jours

J'y fus savez-vous à Venise dans ma jeunesse, mon jeune ami...Mais oui ! On y dépérit de faim aussi bien qu'ailleurs...Mais on y respire une odeur de mort somptueuse qu'il n'est pas facile d'oublier par la suite...


Louis -Ferdinand Céline
Voyage au bout de la nuit


The eyes of Miss Dolores Gonzales were half open and on herlips was the dim ghost of a provocative smile."The Hippocrates smile", the ambulance intern said and sighed."On her it looks good".
He glanced across at Dr. Lajardie who saw nothing and heard nothing, if you could judge by his face.
"I guess somebody lost a dream', the intern said. He bent overand closed her eyes.


Raymond Chandler
The Little Sister


Vendredi I0 octobre 2003


* Roissy, 11.30

Bon ben tout va bien. Une heure de retard à l'embarquement, un dernier paquet de Marlboro et un litre de San Pellegrino. Le seul souci, c'est que j'ai oublié d'aller pisser.Plus qu'à espérer qu’on s'écrase au décollage. Il sont sympas ils m'ont mis tout à l'arrière, comme ça les turbulences ça sera pour moi. Par contre je suis tout près des toilettes.Personne pourra me passer devant. Tout peut pas être négatif dans la vie. Et avec trois sièges pour moi tout seul, je suis pas trop emmerdé par les voisines. Je prie ardemment pour la santé du Pape. Ça fait une semaine qu'ils me gonflent, au bar du Cercle, en me disant qu'il va claquer pile poil pendant mes vacances. Et alors là, bonjour le bordel ! Je le sais d'expérience, une fois que j'étais en Italie, j'en ai enterré deux, de Papes, en à peine trois semaines. Paul le sixième et Jean-Paul le premier. Ça lui a pas trop réussi, d 'être le premier, à Popaul un. Il a fait même pas un mois, le malheureux. Heureusement que le suivant est nettement plus robuste. Bon allez, on est sur le taxiway, faut que je commence à parler italien, alora Forza Milano.

* Du plus haut des cieux, 14.05

Je viens seulement de comprendre pourquoi je me sentais pas bien pendant le vol. J'avais oublié d'enlever mes chaussures. Il était temps vu qu'on est en train d'atterrir. Alitalia c'est super. Le déjeuner, j'y croyais pas en le voyant. Un quart de sandwich avec une petite madeleine. Je me suis permis de redemander un café. Subito, qu'il m'a fait l'autre et ça fait une demi-heure que j'attends. C'est les douaniers qui vont me le filer à la sortie, probablement. C’est qu'en fait Alitalia s'est mariée avec Air France. Ça explique tout. Je vais leur écrire, au retour, à Air France, je leur suggérerai de rebaptiser la compagnie. Guantanamo Bay Airlines.

* Aéroport de Milan, 15.20

Believe it or not, je suis dans I'avion pour Palerme. Le sac de voyage c'est pas gagné, mais ne désespérons pas.Je croyais, après avoir vu I'Angleterre que plus rien jamais ne m'étonnerait. Erreur. J'aiatterri chez les champions du monde du bordélisme, du j'enairienàfoutrisme et du jefaislagueulisme. Je me demande si des fois c'est pas la santé du Pape qui leur fout lamauvaise humeur. Bah j'ai pas tout perdu, j'ai fumé quand même trois Marlboro malgré que ça soit interdit strictement partout. Moi, même dans les églises je serais capable de
fumer. Et, enfin une bonne nouvelle : le paquet est à 3,30. Et voilà. Plus qu'à attendre le copieux goûter q
ui va nous être j'en suis certain incessamment servi.

* Du plus haut des cimes, 16.40

Ben ça alors, le personnel il est encore plus grave que dans I'avion précédent. Ils pourraient attendre quand même qu'il trépasse Popaul avant de prendre le deuil.

* Aéroport de Palerme, 17.30

Putain on peut dire qu'ils sont forts, pour empêcher les gens de trouver les taxis. Il est pas grand comme aéroport mais il est super bien foutu. On pourrait y rester quatre heures avant de trouver la sortie.

* Dans le taxi, 18.00

Une petite demi-heure, ça fait, que le chauffeur me raconte ses vacances en Normandie. Il vient de me réciter les noms de toute les sous-préfecturesd 'au moins quatre départements. Il a I'air de se demander ce que je suis venu foutre dans son pays pourri. Pas de doute, l'immersion commence.

* Hôtel Atheneumo, 18.30

Cette fois-ci, plus de doute, je suis en ltalie. Quel que soit le problemo, c'est no problemo. J'avais réservé un single, je me retrouve dans une chambre pour couple avec enfant. Pour le même prix, no problemo. Et puis ils sont gentils,à la réception, quand ils sentent que je comprends pas bien leur anglais, ils se mettent à m'expliquer en italien et de plus en plus vite jusqu'à ce que je m'en aille.

* Hôtel Atheneumo, 21.30

Ben y'a pas écrit feignant. J'ai fait en une heure et demie tout le tour du centre historique à pied et sans me perdre. J'ai vu plein de monuments monumentaux, que je vais les visiter sans faute et que ça me plaise ou non. J'ai vu plein de ruelles avec le linge qui sèche aux fenêtres. J'ai vu des carabiniers qui étaient arrivés avant moi. J'ai vu aussi que les façades, au niveau du ravalement y'a du boulot. J'ai dans l'idée qu'ils doivent attendre que ça s'écroule tout seul. A première vue, je crois pas que je vais faire des folies nocturnes. Il semblerait au premier abord que Palerme la nuit, en octobre, c'est comme qui dirait fermé. E t surtout, là c'est un vrai problème, j'ai pas vu un seul restaurant. Faut d'urgence que je me tape une lecture approfondie des guides Parce que là maintenant je suis dans le restaurant du beau-frère du propriétaire de l’hôtel, et bonjour I'ambiance. Menu unique et catastrophique, serveur mentalement déficient et ne comprenant que I'italien, et pour la clientèle, une cargaison de troisième âge et deux paires de lesbiennes. Ah c'aurait été un brelan, évidemment j'aurais pu faire le roi, mais là, mes chance je le crains sont minces. Mon idée que j'avais, de commander discrètement une pute à la réception en filant un billet de 10 euros en douce je crois qu'il vaut mieux que j'y pense plus. Enfin bon, je suis bien en Italie et je vois bien que c'est différent de chez nous. Après qu'il m'aient expliqué trois fois, à la réception, qu'il faudrait que je paie le restaurant séparément rapport que les comptes étaient séparés, le patron du restaurant, dès qu'il a vu ma carte bleue et il a dit qu'il en voulait pas, il a pris la note et il a foncé comme un malade vers la réception pour la faire coller sur ma note d'hôtel, et en criant no problemo. Ben somme toute, 'ai pas passé une trop mauvaise journée. Mais alors demain, hein, ça rigole plus. Culturisme pittoresque immersion.


Samedi 11 octobre 2003


* Hôtel Atheneum, 8.30

Je suis tranquille au moins jusqu'à midi. J'ai pris trois petits déjeuners, des fois que je trouverais rien à bouffer avant ce soir. Il est bien cet hôtel, avec la chasse d'eau que c'est comme les chutes du Niagara, et un bidet, alors énorme comme j'ai jamais vu. Les Siciliens, de toute évidence, attachent une grande importance au bidet. Je le note et je m'en félicite. Par contre , côté pittoresque, y’ a mieux. Le Carlton d 'Annecy, grosso modo, c'est pareil. Oh non ! Merde ! Annecy ! Pas eux, pas ici ! Tas de boeufs ! Enfoirés ! Bouseux ! Enculeur de mouches ! Culs bénits ! Catholiques ! Bon, ça y est, ça va mieux quand on l'a dit. Mais alors plus jamais ça ! Je suis en vacances, pas au bureau, tout de même, quoi, merde. Et maintenant, en route pour de nouvelles aventures.

* Monreale, 13.30

Ce matin, nom d'une bite, j'ai pas perdu mon temps et j'en ai appris des choses étonnantes. D'abord, je suis allé au Palais des Normands, et là, première surprise, l'entrée était gratuite. Ça devait pas être des vrais Normands. Et après, la Chapelle Palatine. Alors là, les carreleurs, la classe ! Bon, y'a un peu trop de trucs religieux mais faut quand même être tolérant après tout. Et là encore, énorme surprise: le Christ Procréator. Je savais pas moi qu'il avait eu des enfants, le petit Jésus. Et on sait même pas ce qu'ils sont devenus ni qui c'étaient les mères. Si ça se trouve il a fait comme Rousseau il les a foutus à l’assistance publique pour pas être emmerdé Donc pour en finir avec la sacrée chapelle, j'ai compris, moi qui m'y connais en éthylicologie, d'où ça vient Palatine. C 'est que ça s'est déformé au cours des siècles, rapport qu'initialement on disait Pa latina, devenu plus tard Pas latine, et enfin Palatine. Vu que les fresques elles sont pas latines, elles sont byzantines comme les querelles de directeurs.

Alors ensuite j'ai pas molli, allez hop, direction les momies. Les capucins je croyais que c'était des singes, en réalité c'est des moines. Bien, les momies, super ! Pas un mot plus haut que l'autre ! Habillées comme pour la messe, le sourire à pleines dents, à peine déchaussées les dents, vraiment impeccables.

La seule où je me suis pas senti très bien, c'est la petite fille de de deux ans, Bambina Rosalia Lombardo imbalsamenta, 1918-1920. Elle a l'air pas du tout morte la petite Rosalia avec son petit nœud dans les cheveux et pourtant elle l'est, au milieu de ce musée des horreurs.On jurerait même qu'elle dort. On sait plus en faire des pareilles de momies, paraît-il. Le médecin a jamais voulu donner la recette, et c'est aussi bien, je crois. Bien sûr elle a pas tout perdu, Rosalia, c’est vrai qu'elle aura pas connu Mussolini, et Hitler non plus. Mais c'est pas assez comme consolation à mon avis. Surtout qu'inversement, elle aurait connu François Mitterrand. Ah, si ils pouvaient arrêter tous de nous casser les couilles avec leur vie éternelle! Quand on les voit,les momies, ça coupe l'envie de ressusciter.

Heureusement j'ai rencontré un couple de beaufs à peu près supportables quand même et on s'est marrés un bon coup devant les momies. Elle, elle est tête chercheuse au CNRS, j'ai pas demandé c e que ça voulait dire de peur de passer pour un con, et lui il m'a dit qu'il était pas léautaulogue, alors je lui ai répondu que moi non plus, mais que ça m'aurait bien plu, vu que moi j'adore Jean-Pierre Léaud, surtout la fois où il a fracassé la tête de sa voisine du dessous et de quatre-vingts ans avec un pot de géranium. Et puis, il y a aussi Paul Léautaud, qui est assez distrayant quand il raconte comment il saute sa bonne. Mais quand même pas très délicat quand il écrit qu'elle a un gros cul et qu'elle est moche à faire peur. Quand on tire, selon moi, on assume et on fait pas comme ça des réflexions désobligeantes pour la personne que vous êtes en train d'enfiler.L e fléau, il l'appelait, sa bonne. Le fléau à Léautaud. Malotru, le Léautaud.

Donc, retour chez les Normands, et dans la foulée, direction Monreale. Je croyais que c'était au Canada on en apprend tous les jours. Bordel, j'ai trop dormi en géographie. Et c'est là précisément que les embrouilles avecl a carte bleue ont commencé.

* Bistrot, Via Roma, 15.30

Oui, alors la carte bleue d'abord, j' ai cru l'avoir perdue dans le bus. Et là, incroyable, je suis tombé sur la seule nana honnête de la ville, au point qu'elle l'a ramassée et qu'elle me l'a rendue. Je suis resté du coup un long moment hébété, et c'est seulement un peu plus tard que, voulant payer le restaurant, qui venait évidemment de m'arnaquer lourdement, parce que, quand j'ai vu la montagne de nouilles, j'ai voulu annuler le secundo piatto et trop tard il était déjà en route, ça on me l'avait encore jamais fait, oui, donc, payer avec la carte je disais, et constatant de visu qu'elle ne marchait pas, c 'est bien normal, vu qu'elle est toute neuve, je me suis aperçu que ne m'étais fait tirer tout mon argent liquide. 200 euros. Mais comme Domi avant de partir m'en avait donné 270 rapport aux impôts que j'ai payé par erreur à sa place, j'ai pas été exagérément attristé. 70 euros gratuits au lieu de270, ça reste une économie. Et puis qu'à cela ne tienne, la billetterie dans sa bonté a accepté de me donner des sous. Pour combien de temps, Dieu seul le sait. Sinon hein, Monreale c'est comme la Chapelle Palachose, bordel faut que je perde l’habitude, ce connard de psy lacanien il m'a pourri la tête, oui, je disais donc, pareil en plus grand. À mon avis, du carrelage comme ça sur des surfaces pareilles, ça peut être que des Portos qui l'ont fait. Et même que pendant qu'ils y étaient, ils en sont foutu plein les colonnes du cloître.

Après ça, je me suis tapé une demi -douzaine d'églises toutes plus chiantes les unes que les autres, et je me suis rendu, pleinement confiant, à la Compagnie Sicilienne de Tourisme, rapport que demain, j'avais prévu de partir en autobus vers les champs de ruines. Mais c'était sans compter sans la finesse de la Compagnie. Le temps que je la trouve, à l'entrée d’un immeuble soigneusement dissimulé, et avec juste une étiquette minuscule écrite CST sur un interphone, elle venait de fermer. Ben c'est pas grave demain j'irai au musée. Et puis là tout de suite je suis excité comme un pou parce que je suis à côté d'un superbe hôtel où il y a le tabouret de Wagner, celui sans doute sur lequel il chevauchait les femmes de ménage à défaut des vaches qui rient. Mais surtout c'est là qu'a eu lieu, c'est écrit, en 1957, ils sont forts chez Michelin, un banquet géant de la Mafia, et même qu'il y en a un qui est tombé du septième étage sans le faire exprès. J'y vais de ce pas. C'est dommage que j'ai laissé mon chapeau de mafioso à Paris.

* Grand Hôtel et des Palmes, 19.30

Ben je m'ai encore gouré : jamais eu de banquet de on sait pas qui ici. Le Concierge qui sait tout, est formel. Et en plus pour le tabouret de Wagner, c'est interdit de le photographier sans autorisation spéciale du Directeur. Par contre, on peut le voir tout le temps qu'on veut, et même tout seul dans le petit salon. De toute façon, il est tellement moche et râpé que même un Arabe le volerait pas. Là tout de suite, je suis au bar. J'ai piqué à peu près toutes les pochettes d'allumettes, pour le cendrier j'ai demandé l'autorisation. D’habitude je les vole mais là, bon, faut être un peu classe, dans des endroits comme ici. Déjà qu'avec mon jean et mes basket, avachi dans le fauteuil je fais un peu tache, faut pas trop exagérer.

Y'a un mec qui commence à s'agiter autour du piano, alors j'espère qu'il va pas nous jouer du Wagner, j'ai horreur de ça. Pour moi, Wagner est à la musique ce que Claudel est à la littérature. Le premier casse les oreilles, le deuxième casse les couilles. Putain elle est bonne celle-là, je la resservirai dès que j'aurai l'occasion. Faut pas croire, quand même mais des hôtels comme ça j'y suis déjà allé, ça m'impressionne pas. La différence c'est que dans ces cas là c'est Dassault Aviation qui payait. Cela dit, j'enlèverais bien mes baskets rapport à ce que j'ai marché aujourd'hui. Le problème c'est qu'après on a du mal à les remettre.

Ah Bon Dieu qu'est ce qu'on est bien ici. Je crois que je vais me prendre une cuite au Coca. J'en ai déjà pris trois à 3,50 pièce, alors c'est pas deux litres de plus qui me font peur. Ben c'est pas si mal ce qu'il joue, I'autre. Romantique nostalgique. It's a wonderful world, j'ai reconnu. Tu parles, Rachmaninov qu’il est wonderful, le world ! N'empêche que ce serait l’occasion ou jamais, si je me draguais une vioque américaine, pas trop moche quand même mais riche à crever, et alors là, j'envoie ma lettre de démission par la poste. Le préavis ils se le foutront où je pense. Et puis alors elle sera gratinée, ma lettre, faites-moi confiance. Vingt-neuf ans d'emmerdations, de turpitude en tous genres, je vais régler mes comptes et bien. C'est quand même l'aéronautique, c'est clair, qui a fait de moi un alcoolique. Mais n'y pensons plus, jouissons de cette atmosphère élégante et feutrée. Ah là là tous ces prolos que je connais à Asnières, qu'est ce qu'ils me dégoûtent subitement. Ici c'est au Champagne qu'on se déchire, pas à la Kronenbourg, et toute la différence est là. Sapristi, je viens de photographier, après avoir demandé poliment, des jeunes mariés d'aujourdh'ui. Super, la nana. Le mec aussi, mais bon, c'est pas mon truc. Je leur ai pas parlé de mes désastres conjugaux à répétition, j'ai bien compris que c'était pas le jour. Ça fait rien, je suis content quand même.

* Via Roma, 21.35

Ben voilà j'en ai trouvé une de trattoria sympa, bonne et pas chère. A Paris, je suis une machine à renifler les restaus alors c'est quand même pas ici que je vais me faire niquer pendant toute une semaine.


Dimanche I2 octobre 2003


* Hôtel Atheneum, 6.30

Alleluia ! J'ai été enluminé au réveil ! Le bidet, pourquoi il est si volumineux c'est pour donner le bain aux bambini, tout simplement. Et moi qui croyais au début que c'était pour des trucs sexuels ! Je me sens tout rassénéré, du coup !

* San Domenico, 12.50

Là je suis vraiment aux anges. Cinq euros le déjeuner, et superbon, au même prix que leMacDo dégueulasse. La bouffe c'est plus un souci à présent, je sais faire. D'ailleurs cematin, j'ai commencé par le marché. Super, le marché, mais pas du tout comme chez Auchan. Tout était énorme, les poissons, les abricots, les aubergines, tout. Et des poivrons partout. Si on aime pas çà, les poivrons et les aubergines, vaut mieux aller ailleurs qu'en Sicile.

Mais alors ce qui m'a fait encore plus un choc, c'est que le quartier, dans le marché, on dirait qu'il a été bombardé en 44 par les Chleuhs ou les Américains ou les Japonais, peu importe, par contre c'est sûr que c'était pas nous vu qu'à l'époque on était pas trop riches en avions, et donc je disais, que la municipalité a pas encore trouvé le temps de le faire reconstruire. Porca Miseria! Porca Madonna!

Mais c'était pas tout ça y fallait aller faire la tournée des églises. Maintenant je les compte plus. Sauf que comme c'est dimanche matin, elles sont toutes ouvertes, et j'en ai vu autant que de messes. J'ai même vu un baptême en cours d'exécution et que la mamma elle m'a rappelé une de mes anciennes tantes italiennes, celle qu'on appelait Groucho Marx, rapport à la moustache. J'ai réussi à prendre une photo, sauf que j me suis fait engueuler par le curé quand je lui ai fait signe de bouger un peu vers la droite, vu qu'il me cachait la moustache de la grand-mère. Je me demande tout de même si c'est pas un peu dangereux la messe. Si on risque pas de périr par overdose. Mon voisin du dessus, qui se nourrissait de potage et d'eau minérale, il y allait tous les jours, et avec en prime une confession hebdomadaire. Et alors 56 ans, un coup de canicule, paf, raide mort. Y'a pas de justice.Quoique en y réfléchissant, c'est peut-être le petit Jésus qui était trop pressé de le voir. Des paroissiens pareils, à Asnières et ailleurs, y 'en a pas des brouettes. Bon, j'arrête avec la métaphysique sinon je vais choper le mal de tête.

Magnifique programme donc, ce matin, sauf l'Oratorio de San Domenico, neuvième merveille du monde selon les pneus Michelin, et alora restaurazione per lavauri. C'est clair que c'est pas la peine de revenir avant vingt ans. C'est pas grave, il y en a d'autres des Oratorii, quasiment autant que d'églises, et moi j'ai l'éternité devant moi. Mille pétards, j'avais pas fait attention, j'ai deux Allemandes à côté de moi. Ça serait le moment de me lancer, surtout que je parle allemand très convenablement et qu'en plus elles me regardent bizarrement avec comme des petits sourires, mais franchement, j’hésite.C'est pas rien, cent soixante kilos de Teutonnes, à mon âge. D'un autre c ôté, il paraît que quand elles prennent leur pied, elles se mettent à hurler en boucle des Achtung ! Ich komme ! Ça doit être une expérience. Mais tout compte fait, je crois que je vais plutôt envoyer mon fils en Allemagne et il me racontera au retour. C'est plus prudent. Et puis, le Pape, faudrait pas l'oublier, le Pape, alors comme les Siciliens font pas plus la gueule que d'habitude, ça doit vouloir dire qu'il est encore vivant Paulo. Mon Dieu, faites qu'il passe la semaine.

* Hôtel Atheneum, 17.30

La marche à pied, ça va bien un moment, mais là, je suis naze. J 'ai quand même fait le front de mer, pour voir, malgré que c'était pas trop recommandé. Autrefois, il paraît, c'était sublime. Autrefois, oui. Parce que aujourd'hui, le front de Seine, à côté, esthétiquement, c'est aussi beau que Manhattan du temps des tours. Le front de mer de Palerme, c'est entre la décharge et le terrain vague, et avec une autoroute au milieu. Tout est partout pareil. Tout cela est si lent, si lourd, si triste...Bientôt je serai vieux et ce sera bien fini. Misère, voilà que je redeviens célinien à vue d'oeil. Bon, faut tempérer quand même. Je suis bien content aussi de boire de l'eau minérale. Parce que c'est peut-être en faisant ça que j'ai pas encore attrapé la lèpre. Palerme, c'est une ville d'art, mais pas une ville folklorique. C'est une ville, et pas qu’un peu, lépreuse. On s'y sent quand même un peu seul, très souvent. Et c'est donc avec un immense soulagement que je vais terminer la journée. À trois cents mètres d'ici il y a une pizzeria crasseuse à souhait. Plus une seule fois je serai obligé de me taper la nourriture pour chiens du restau de l’hôtel. Et maintenant en avant les mots fléchés.


Lundi I3 octobre 2003


* Hôtel Atheneum, 8.00

J'ai enfin compris pourquoi hier j'avais le blues. J'ai laissé le Prozac à Asnières. Quel con ! Acte manqué, hein, qu'il me dirait lautre connard de psy, pouvez-vous verbaliser pourquoi vous avez oublié votre Prozac à Asnières ? Ben je lai oublié, hein, c'est tout, ducon ! La prochaine fois que je prendrai un psy il gèlera en enfer. L’Etna, Taormine tout ça, c'est pas gagné. Jel eur ai téléphoné, au Bureau du Tourisme, ils avaient l'air tout contrariés qu'on leur ait pas encore coupé le téléphone. C'est pas grave, l’Etna je le ferai quand je serai en retraite, dans un autobus bourré de vieux débris dans mon genre.

* Fontana della Revoluzione 11.30

Le moral revient. Plus rien à foutre du Prozac. À tout hasard j'ai demandé à la réception, pour l’Etna, Agrigente et le reste. No problemo, et tout devrait être déjà réglé à l’heure qu'il est. Le minibus qui me prend à l’hôtel et tout. Je vais leur écrire au Bureau du Tourisme et à ce stronzo de Berlusconi. Pas la peine de leur téléphoner pour leur dire que c'est des feignants, même s'ils le savent déjà, ça sera encore mieux quand ça sera écrit. Bon et puis au niveau de la langue, nets progrès. A l’hôtel quand j'ai demandé un cendrier le barman m'a demandé si j'étais Espagnol et puis après dans le taxi, le chauffeur m'a dit que mon italien était veramente excellent. Peut-être qu'il dit ça à tout le monde et même aux Chleuhs, mais quand même ça fait plaisir.

* SanF rancesco di Assisi, 14.00

Ben une fois encore j'ai pas perdu mon temps. A la gare d'abord j'ai réussi à acheter des timbres. Pour poster les cartes, par contre, plus dur. Un vieux machin assis sur un banc m'a envoyé au bureau de poste, à deux cents mètres environ. Et alors là, pareil, deux cents mètres de queue. Ça marche fort, la poste en Italie. C'est peut-être que le Gouvernement leur envoie le chômage par mandat postal. Enfin, j'en ai trouvé une de boîte à lettres. Elle était juste à côté du vieux con qui m'avait envoyé au bureau de poste. Après, pour pas perdre la main, une église. J'ai discuté le bout de gras avec le moine de garde. J'aime bien ça, discuter avec les moines, je trouve que ça élève l'esprit. D'ailleurs à force de dire des Mon Dieu, je me demande si je serais pas au bord de la conversion. Ca l'a fait rigoler le moine quand je lui ai dit que j'étais ni catholique ni protestant et même pas juif ni arabe. Il m'a demandé si j'étais baptisé et il m'a posé des questions sur mes parents, et ça a paru lui suffire, comme certificats. Baptisé, mes parents qui allaient à la messe une fois tous les dix ans ça suffit par ici pour donner droit à la vie éternelle.Dans la foulée, le musée. Ils se foutaient pas de la gueule du monde, les peintres de la Renaissance. Pas comme les connards de maintenant, ils vous peignent une toile entièrement en bleu ou en vert ou deux trois taches rouges par dessus et hop, direction Beaubourg. Alors que, quand on sait qu'y avait même pas d'électricité, le respect.

San Francesco d'Assisi est chiusa et personne ne sait quand ça rouvre. Quand le curé aura finis sa sieste, probablement, ou alors quand les enfants de chœur auront envie de rentrer chez papa maman, et qu'ils partiront avec des bonbons plein les poches et des poches plein les yeux. Anticlérical je suis anticlérical je reste! Porca Madonna !

Le déjeuner alors là, la merveille. Plus jamais à Paris j'irai à la pizzeria. Dégueulasse et deux fois plus cher qu'ici. Je finis mon litre de San Pé, je prends un quadruple café allongé, de manière à avoir l'équivalent d’un cafe parisien serré, et andiamo via.

* La Zisa,16.30

Fantastique le palais de banlieue que je viens de voir. Sans déconner ! La Zisa ça s'appelle comme dans la chanson du bal de l'avoinée, Lacan encore et toujours et avec du carrelage, comme d'habitude. Mais alors les alentours, bonjour ! Un peu comme si on avait planté la Sainte Chapelle à Aubervilliers ! Ils vont faire un grand jardin autour, il paraît. Ça cachera un peu la misère. Pas complètement, j’ai peur.

Si j'avais écouté Monsieur Michelin, j'aurais su que l'autre palais de la zone, celui avec un parc unique au monde et que j'espérais bien visiter, c'est le matin et basta. L'après midi, l'on dort ou on fait l'amour, ensuite de quoi l'on rentre à la maison regarder le foot pendant que maman fait cuire les nouilles. J'ai baratiné à mort par l'interphone une fatma pour qu'elle m'ouvre le putain de portail du putain de parc au moins. Cinq euros nib ! Dix euros, pareil. Ou bien les traditions se perdent ou bien elle avait pas la clé du cadenas.

Revenu au centre ville à grand peine, j'ai entrepris de prendre l'autobus. Alors l'histoirequi dit que pour que le bus arrive, il faut allumer une cigarette, elle marche pas, ici. J'aurais pu finir le paquet. Il y en a même un de bus, il s'est pas arrêté. Le chauffeur a dû trouver que j'avais une sale gueule. Bon, j'y suis quand même arrivé, mais je suis descendu au premier arrêt vu que je venais d'apercevoir un magasin de DVD qui vendait Le Gattopardo de Visconti, et donc, j'ai fini à pied. Arrivé pile poil au centre ville, j'ai voulu tirer du pognon. Alors les banques, ici, pas de doute, elles abondent. Une demi-heure de marche au bas mot, avant d e triouver un Bancomat qui est pas en restaurazione per lavauri. C'est pour ça que je suis assis là à boire mon Coca en attendant d'aller dîner et ça c'est pas un problème parce que j 'en ai repéré deux des trattorii, qu'elles ont l'air super.

Ce qui me chagrine c'est que tous les Oratorii ici ils sont en lavauri. Je vais être obligé de me rabattre sur celui de Monteverdi, Monteverdi, porco Dio, voilà Lacan qui revient oui non j'ai pas vu monter Verdi, par contre j'ai écouté monter Verdi, et ça veut dire qu'il avait des godasses qui faisaient du bruit, comme mon père, quand j'étais petit et qu'il montait l'escalier à moitié bourré. C 'est bon, ça. La semaine prochaine j'envoie balader Dassault Aviation et je m'établis psychanalyste à mon compte, chez moi, à Asnières, en face les flics, septième étage à droite de l'ascenseur. Et cinq cents balles la demi-heure, pour faire davantage pro.

* Hôtel Atheneum, 23.00

En Sicile, 6,50 les gambas alors qu'à Paris je les aurais payées au moins 25 ! Quel magnifique pays. L’Etna par contre, c'est compromis. L’hôtel, c'est con, avait promis, mais y'a pas assez de touristes pour remplir les minibus. Domani matina ils appelleront une autre agence, no problemo. Je vais peut-être rester éveillé toute la nuit avec les mots fléchés tout en priant la Madonna ça peut pas faire de mal. Louer une voiture c'est même pas la peine d'y penser. Avec mon sens de l'orientation je serais encore là à NoëI, même pas foutu de trouver une église pour la messe de minuit. Oh Nom de Dieu, et si je prenais le train ? La dernière fois que j'ai pris le train à l'étranger je crois bien que j'étais encore puceau.

Et puis alors là vraiment j 'aurai tout vu. En essayant désespérémendte trouver I'ascenseur, voilà que je tombe sur la télé. L'émission au premier abord j'ai cru que c'était comme dans Arte avec des professeurs, des experts enfin bon, pas des connards façon Ardisson ou Fogiel. Au bout d’un moment j'ai compris que l'émission c'était sur les castrats. Y’en a que les castrats dégoûtent, ah il les volait pas ses 400 balles I'autre, mais à moi ça me fait rien du moment qu'ils s'approchent pas trop, et puis patatras, ça a dérivé, ils se sont mis à parler de testicules et tutti quanti, et pour illustrer ça ils ont montré le castrat en train de sauter une nana. Bon ben voilà, je me suis dit, moi j'ai plus qu'à aller sauter dans mon teeshirt.

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