samedi 2 juillet 2011

TheTempest

Le vingt-six décembre 1999 aux premières heures du matin, il y a eu, sur la région parisienne, une tempête comme de mémoire d’homme on n’en avait pas connu. Partout où il y avait des arbres, il y a eu dévastation. Pendant la tempête j’étais au fond de mon lit, en me disant seulement que c’était un temps à rester couché. Ce n’est que plus tard dans la matinée, en voyant des arbres effondrés sur la chaussée, que je me suis inquiété à propos d’Émilie. L’avenir m’a donné raison.

Le Père-Lachaise n’a rouvert ses portes que le quinze janvier, après sans doute beaucoup de travaux de déblaiement. Je suis allé sur la tombe d’Émilie sans me presser, redoutant sans doute par avance ce que j’allais voir. Et en effet, j’ai vu. La désolation générale ne laissait que très peu de place à l’espoir. Des trois acacias dont les feuillages couvraient naguère la tombe, il ne restait plus que les souches, tronçonnées au ras du sol. D’autres arbres avaient survécu, mais me semblaient terriblement lointains. Avec le temps, les traces du désastre disparaîtront, mais au lieu d’un sous-bois, d’une cathédrale, il n’y aura plus jamais qu’une clairière à ciel ouvert où l’on pourra distinguer une tombe que personne n’aura su nettoyer totalement.

Aujourd’hui c’est le quinze mars 2000. Cinq ans dans deux jours, et encore un vendredi. J’avais rendez-vous chez mon alcoologue et je n’y suis pas allé. Je bois trop depuis trop longtemps mais ça ne me préoccupe pas trop. Et il n’y a aucune chance que j’arrête. Il y a un an l’alcool m’a rendu vraiment malade, mais ça n’a pas duré. La peur résout tous les problèmes, fait descendre en flèche les triglycérides. Maintenant j’ai une consommation de croisière, sans aucune envie de diminuer ni d’augmenter. Pour l’instant.

Vendredi après-midi je me mets en congé. J’irai n’importe où, mais je ne veux à aucun prix rester à mon bureau, comme il y a cinq ans, lorsque je riais quelque minutes avant qu’Émilie ne saute, et laisse derrière elle un champ de ruines et d’infirmités.

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