Chères amies, chers amis,
Il va m’être très difficile de dire quelques mots dignes après avoir écouté le Requiem de Monteverdi, à moi qui n’ai jamais vu monter personne.
Vous quitter, ça me fait peine. Mais ce monde est devenu si cruel, voyez-vous... J'aurais eu Internet sur mon poste j'aurais jamais rien dit. Je serais parti en retraite à soixante-dix ans et pas avant. J'aurais bien des choses à dire, sur Le Ternet. Mais pas ce soir. Une prochaine fois, peut-être.
Il y a deux ans j'ai bien écrit un très beau discours de départ en retraite mais je ne le lirai pas. Parce que je me suis souvenu de Céline qui écrivait : Le délire des uns ne fait pas du tout le bonheur des autres et chacun ici-bas est indisposé par la marotte du voisin. C'est pourquoi vous aurez à subir, à la place, une version nettement plus concise et spontanée, au point qu’elle ne devrait durer que deux heures et quinze minutes environ. Parce que je vais essayer de la lire lentement, au cas où certains ne comprendraient pas très vite.
De la version initiale j'ai tout de même conservé les deux premiers paragraphes, pour l’histoire.
C’est le coeur serré que, contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, je cesse aujourd’hui le combat.
Alors, pour évoquer ma carrière, si je devais la résumer en une phrase, je pourrais prendre pour moi ce que déclare Charpin à Fernandel dans Le Schpountz, de Marcel Pagnol : Tu n’es pas bon à rien, tu es mauvais à tout.
Je pense que vous réalisez dès à présent ce à quoi vous avez échappé. Aussi vais-je m’y prendre autrement.
La vérité c'est que j'ai beaucoup aimé la Division et qu’avec énormément d'abnégation, elle a toujours manifesté une extrême bienveillance à mon égard.
J’ai la faiblesse de penser que je n’ai pas été totalement dépourvu de qualités professionnelles, que j’ai mises loyalement au service de mes directeurs successifs, mais qui n'auraient servi à rien s’ils n'avaient pas été de très grands guides.
Sur la passion aéronautique qui de tout temps m’habita, j’observerai cependant un silence pudique. La nature m’a doté et je n’y peux rien d’une indifférence inébranlable à toute matière scientifique autre que la mécanique quantique et autres fadaises hermétiques, ainsi que d’une farouche hostilité à la mécanique en général et à la mécanique des fluides en particulier.
Mais il m'est tout de même arrivé, et plus d'une fois, d'exécuter, presque toujours seul, car j’ai toujours très mal supporté l'idée de travailler autrement, quelques modestes travaux dont je conserve un assez fort sentiment de fierté. Sur le Mirage 2000, sur le Rafale et sur les Falcon traditionnels. Ce que j'ai fait pour le Falcon 7X, par contre, j'y pense à chaque fois que je m'assois, tant la douleur est persistante. C’est donc avec bonheur et soulagement que j’échapperai au soutien du CRS et du Neurone.
Je viens, je tiens à le dire, d’un monde de paysans où la reconnaissance du ventre signifie quelque chose. Mais cela ne suffit pas. Un jour en réunion Monsieur Bernard nous a gratifiés d’une de ces histoires paraboliques dont il a le secret. C’est celle d’un Anglais dont l’épouse vient de se faire violer, et qui lui déclare, ma chère, puisque vous n’avez pas pu résister, j’espère qu’au moins vous en avez profité. Eh bien moi, je l’avoue sans aucune honte, très souvent j’ai pris du plaisir en travaillant. Parfois nettement plus qu'en ne faisant rien. J’ai joui sans entraves, comme on disait quand j’étais étudiant.
Par exemple en octobre 1984 j'avais trente-cinq ans et persistais à débuter. J'ai néanmoins dispensé pendant sept semaines des cours d'aéronautique et de mécanique à des sergents et adjudants de l'armée de l'air indienne. C’était le premier stage Mirage 2000 et je réécrivais l’abominable documentation dont j’étais l’auteur après les cours. J’ai cette fois-là mouillé la chemise comme jamais cela ne s’était produit, au point de renoncer à assister aux obsèques de François Truffaut, mort le sombre dimanche vingt-trois octobre 1984. Chaque vendredi pour conclure la semaine je leur racontais, aux Indiens, une histoire un peu graveleuse, telles celle du camionneur ou celle du devin, ou encore celle du gorille et du lion. En plus d'être adorables et incroyablement dignes c'étaient des mécaniciens d'élite. Certains avaient de l'or dans les mains, comme disait mon ami Pierre Denizot.
Je me souviens qu’un jour à la cantine je prenais un bol de crevettes, et voilà que le Wing Commander Sharma me dit avec un grand sourire : Voyez-vous, Mister Ploud, dans ma religion, chacune de ces créatures a une âme immortelle. Depuis ce jour je repense à ces fortes paroles à chaque fois que je m'attaque à un bigorneau ou à une pince de crabe. Je fis même par la suite quelque temps un sketch à mes enfants quand je prenais des huîtres. Elle c'est Paulette, elle c'est Henriette... Elles ont peur. Elles disent qu'elles vont mourir dans le noir...C’est un de mes grands succès comiques.
Cinq ans plus tard je les ai retrouvés, les Indiens, sur leur base ultrasecrète de Gwalior. Ils m'ont serré dans leurs bras, embrassé, m'ont fait boire des litres de thé, à moi dont ce n’était pas l’habitude, m'ont fait des fêtes, et invité à des diners où je voyais bien que la cuisine avait pris toute la journée. C'est en vérité l’épisode dont je suis le plus fier de ma vie d'ingénieur.
Je vais à présent citer, conformément à l’usage, les noms de quelques personnes qui ont profondément infléchi le cours de ma vie, sur le plan professionnel comme sur le plan éthique.
Mais honneur aux dames, je veux d'abord dire ma profonde affection à Mimine et Bibiche, grâce à qui dans nos étages il y a toujours du soleil, même quand il fait gris et froid dehors. Alors, comme disait l'aveugle en passant devant la boulangerie, salut les filles. Je connais bien le nom d'un commerce plus évocateur que la boulangerie, mais trop égrillard pour que je le mentionne. Sur le forum de Libération où j’ai mes habitudes, le modérateur laisserait passer, mais ici, c’est un peu délicat.
J'ai donc eu l'honneur d'être embauché par Chief Joseph Premier, en février 1975. En plus d'être l’immense créateur que l’on sait, c'était un homme de fort caractère et de grande bonté. Mais nettement moins prolixe que ses successeurs. En dix ans, il m'a dit quand même deux choses un tant soit peu personnelles : Vous fumez trop, un jour où je toussais énormément, et, cinq ans plus tard, Je fume trop, un autre jour où c'est lui qui toussait. La première fois, je m'en souvent très bien. C'est la seule fois de ma vie où j'ai diné en face de lui, un soir dans un restaurant de fruits de mer au bord de l'étang des Berbères. Nous étions quatre, lui, Gérard Lafont, Jacques Ladel et moi. Il a jeté un oeil sur la carte. Il a dit : Je vais prendre du loup, parce que c'est très bon, le loup. On a tous pris du loup. J'étais un peu inquiet à l'idée de voir arriver la queue et les oreilles de celui de Tex Avery, et c'est là que j'ai été saisi d'une interminable quinte de toux et qu'il m'a dit que je fumais trop. J'ai alors renoncé définitivement aux Gauloises sans filtre. Mais lorsqu'au moment de partir je l'ai vu sortir une liasse de billets de cinq cents balles épaisse de deux centimètres, j'ai recommencé. Alors le loup, en fait, c'est du poisson et c'est quasiment comme le bar. Je n'ai appris que récemment, au restaurant Le vieux Honfleur, alors que j'étais occupé à lorgner sans vercogne le postérieur de la serveuse, auquel il ne manquait que la parole, et que du reste Nikkon a discrètement immortalisé, par la bouche d'un entrepreneur de pompes funèbres de la Creuse, qui m'a fait don de sa business card, Sté Mourez, nous Creusons, Satisfait ou Remboursé, qui m'a expliqué comment on pêche le bar de ligne. On plante un hameçon à marée basse, le bar, cet imbécile, mord dedans pendant que la marée remonte et il se jette enfin dans l'épuisette. Si par hasard un restaurateur vous dit que son bar de ligne vient de Méditerranée, mieux vaut partir en courant. Mon ignorance, en fait, vient du fait que je n'ai jamais pêché ailleurs qu'en rivière, avec mon père, mon père... Oh mais pardon l'heure tourne, voici qu'une fois de plus ma passion pour la pêche à la ligne m'égare, revenons plutôt à l'aéronautique.
Et enfin la troisième et dernière fois, un jour de 1986, alors que j'étais en prêt au troisième étage pour répondre à un appel d'offres international, autrement dit occupé à ne rien faire, j'ai reçu un choc.
Je faisais semblant alors de travailler pour le proéminent Monsieur Sigougnart, comme l’appelaient affectueusement ses nombreux amis, et que tout le monde n'a pas eu la chance de ne pas connaître. And the rest is silence.
Pour en revenir à ce choc, Chief Joseph Premier donc est entré dans le bureau, m'a regardé dans les yeux, m’a fait un grand sourire et m'a dit : Comment allez-vous ? Et il est sorti. J’ai laissé tomber l’appel d’offres international. Je suis allé chez Arlette et j’ai bu trois bières d’affilée pour essayer de me remettre de mes émotions et de comprendre. Je ne l’ai jamais revu. Le lendemain il était en retraite. Je ne sais pas ce qu'il a fait après.
J'ai par la suite passé dix ans sous les ordres de Chief Joseph Deuxième, qui globalement m'a bien apprécié, je crois, malgré parfois quelques velléités très clairement meurtrières, heureusement toujours de courte durée. C’est vrai que vers la fin j’étais interdit d’à peu près tout, mais avec le recul je trouve ça normal. Il est resté très connu dans l’ensemble de la Société pour son calme légendaire, son hospitalité, et pour sa capacité, lorsqu'il officiait au laboratoire, à changer le plomb en or avec seulement un cure-dents et une lime à ongles. À l'impossible nul n'est tenu, il ne m'a fait faire aucun progrès en bricolage, par contre grâce à lui j'ai énormément appris en dialectique et en stratégie. C’est lui, également, qui m’a enseigné la méthode de Fernand Raynaud : Ici on vend de belles oranges pas chères. Pourquoi ici, on voit bien que c’est pas en face. Et pourquoi on les vend, c’est pour que les clients s’imaginent pas qu’on les donne ? Et pourquoi des oranges ? C’est des patates, peut-être ? Etc. Quand il avait terminé de lire une de mes notes, il restait une partie de la liste des destinataires (lui ça l’intéresse pas, lui je lui parle pas,...), une phrase de trois mots et la signature. Mais heureusement, le plus souvent, il signait sans lire. Il ne lisait qu’après, à tête reposée, et seulement en cas de réaction scandalisée d’un ou plusieurs des destinataires, qui du reste, le connaissant, s’y risquaient rarement. De toute façon, j’ai rarement écrit des choses trop péremptoires ou compromettantes. Il me disait souvent : Les conneries, vous avez le droit de les dire, pas de les écrire. Vous pouvez chercher, vous ne trouverez jamais une connerie écrite par lui. Mais enfin, je le dis très sincèrement et sans ironie aucune, Chief Joseph Deuxième était lui aussi un homme d’une grande bonté. C’était il y a plus de dix ans et il me manque encore. J’ai très peu de nouvelles. Je crois savoir qu'il joue un peu au golf.
Enfin vint Monsieur Bernard. Je l'ai rencontré à Istres, en 1977. J'étais un enfant, il était un ingénieur plus que confirmé, responsable des commandes de vol de tous les avions de la Société. Tel Monsieur Croissant, les 35 heures, il les faisait en deux jours. J’éprouve un immense respect pour Monsieur Croissant, qui est un des pères fondateurs de la Division. C’était en outre un conférencier d’exception, doublé d’un pédagogue hors pair. J’ai entendu un jour un colonel de l’Armée de L’Air lui dire : Monsieur, pardonnez-moi de vous avoir irrité par la consternante stupidité de ma question, continuez je vous en prie votre remarquable exposé. Un jour j’ai eu l’honneur de traduire Monsieur Croissant en anglais. C’était sur les mérites comparés de l’architecture distribuée et de l’architecture centralisée. Rapport surtout à la température, si ma mémoire est bonne. Mon pauvre ami, m’a dit Monsieur Bernard en posant sa main sur mon épaule, tu as toute ma sympathie. Alors il se peut que quelques uns d’entre vous aient entendu parler d’un certain Marcel Proust. Il se couchait souvent de bonne heure et il buvait du thé, lui. Eh bien Monsieur Croissant c’est encore mieux. Une semaine, j’ai passé, à traduire une phrase qui tenait sur une page et demie. Et, last but not least, il m’a fait il y a quelques années un compliment qui m’est allé droit au cœur : il m’a dit que comme ingénieur certes je ne valais pas un clou, mais que je ressemblais furieusement à Serge Gainsbourg.
Monsieur Bernard lui aussi est un immense professionnel. De plus il a introduit dans la Division, entre autres exploits, certains concepts révolutionnaires, tels que rigueur et organisation, jusqu’alors chez nous totalement inconnus. Son intelligence et sa culture m'ont plus d'une fois conduit au bord du désespoir, mais en trente ans j'ai quand même réussi deux ou trois fois à lui apprendre quelque chose et chaque fois je n'ai pas été peu fier. Une fois, il m’a affirmé, très sûr de lui, que Clovis Trouille était un sculpteur. Non, je lui ai dit, c’était un peintre de bordel. Et pour le lui prouver, j’ai photocopié le dictionnaire. Suite à quoi il est resté trois semaines sans me dire bonjour. Une autre fois, je ne l’ai même pas fait exprès. A Istres en effet, il nous appelait, Thiré, Bosqui, Boudier, moi et les autres : Les Ritz Brothers. C'est pas très gentil, je lui ai dit un jour, et stupeur, il ne savait pas pourquoi. C'est que les Ritz Brothers, on l’oublie trop souvent, ont réellement existé. C'était dans les années quarante un trio de ringards épouvantables qui enchaînaient des courts métrages de série Z atrocement débiles. Merci donc pour la comparaison. Ils sont hélas sur le Net, mais mieux vaudrait, par respect pour le cinéma, carrément les enlever.
Il me semble que durant son mandat Monsieur Bernard a bien envisagé une ou deux fois de me licencier sans préavis, mais il ne l'a pas fait, et aujourd'hui il me fait l'honneur de son amitié et elle m'est précieuse. Chaque fois que je vais quelque part, même à la préfecture de Nanterre ou au bois de Boulogne, je lui envoie une carte postale.
Ce furent mes trois parrains et je mesure l'ampleur de ma chance. Et Chief Joseph Quatrième est leur digne successeur.
Un dernier mot à propos de Monsieur Bernard. C’est lui qui dans la Division a introduit la droite de Henry. Malheureusement, il est parti avec les instructions de montage. Mais j’ai quand même retenu une chose : on ne dit pas Henri comme Henri IV, mais Henry comme Henry the Fourth. C'est que voyez-vous, il y a trois ans, sans me vanter, je me suis mis à Shakespeare et que j'en suis très content. J'ai empilé un stock de citations adaptées à toutes les circonstances de la vie. Plus jamais je ne suis pris au dépourvu. Si j’avais commencé plus jeune, j’en aurais bien casé une en conclusion de toutes mes présentations Powerpoint, le logiciel qui rend stupide. C’est comme la légion d’honneur, ça ne sert à rien mais ça impressionne. Enfin je ne vais pas passer la nuit avec Shakespeare, je vais seulement vous lire ma citation préférée. C’est dans Macbeth, et il faut bien mettre la langue entre les dents pour prononcer. Macbeth. C’est comme Hamlette. Il ne faut pas dire Hamlet. Un jour à Villeneuve sur Rouergue, une vieille dame adorable, qui s'obstinait à démarrer sa voiture en troisième, et de ce fait changeait d'embrayage tous les mille kilomètres, m'a dit : J'aime beaucoup Hamlé. A propos de Hamlet cependant, je ne me suis jamais hasardé à dire à l’un quelconque de mes directeurs : être ou ne pas être, telle est la question. De peur de m’entendre répondre : tu es viré, telle est la réponse. Bref :
Life's but a walking shadow, a poor player,
That struts and frets his hour upon the stage,
And then is heard no more. It is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing.
Ça a au moins le mérite d'être clair. J’ai d’ailleurs sur le sujet une anecdote des plus désopilantes, concernant William Faulkner. Je la vends dix euros à quiconque est intéressé. Je n’accepte pas les chèques et je ne rends pas non plus la monnaie sur les tickets restaurant. Pour Monsieur Bernard, c’est cadeau. La prochaine fois que j’irai faire les courses à Villeneuve la Garenne, je la lui enverrai sur carte postale. Sauf s’il me fait savoir qu’il la connaît déjà.
Mais on n’est pas si pressés, je vais la raconter quand même. Le plus beau roman de William Faulkner est justement intitulé The Sound and the Fury. C'est très facile à lire, à condition de connaître par cœur le résumé du traducteur, Maurice Edgar Coindreau, et de commencer par la troisième partie. Or il se trouve que Faulkner n'était pas un homme très sociable, et que la sobriété n'était pas sa vertu première. Donc, lorsqu'on lui décerna le Prix Nobel, en 1953, il commença par déclarer qu'il n'irait pas le chercher. Mais, soumis à des pressions de tous ordres, il y alla quand même. Hélas, lorsqu'il arriva à la tribune, il était en habit certes, mais radicalement ivre mort, et marmonna pendant une demi-heure, à la très grande consternation de l'assistance, un discours complètement inaudible et incompréhensible. Mais, et c’est ici que l’anecdote devient instructive, lorsque quelques jours plus tard le discours fut publié dans les journaux, on s'aperçut avec stupeur que c'était probablement le plus beau discours jamais prononcé par un prix Nobel de littérature. Car c'était en fait les vingt dernières pages de The Sound and the Fury. Qui se terminent ainsi :
"The broken flower drooped over Ben's fist and his eyes were empty and blue and serene again as cornice and façade flowed smoothly once more from left to right, post and tree, window and doorway and signboard each in its ordered place."
Je veux aussi saluer mon premier chef de service, Pierre Denizot, qui n'était pas, c'est un euphémisme, des plus politiquement corrects, et qui bien plus tard devint mon meilleur ami, ce jusqu'à sa mort douloureuse, le quatre juillet 1995. C’est moi qui suis allé le dire à Arlette. Il a été mon Falstaff. Comprenne qui voudra.
Et j'ai gardé le meilleur pour la fin. Le gâteau sur la cerise, le meilleur d'entre nous, le Senior Manager du Soutien, le génie du loto sportif, l'aficionado du ski nautique et de la plongée sous-marine, le premier supporter de l'AS Saint-Étienne, Roland, pas Garros, pas de Roncevaux, mais Desovic. Pendant près de vingt ans nous avons formé lui et moi un couple harmonieux, exemplaire et des plus tranquilles. Nous avons vécu un bonheur sans nuages, et voici que se profile l'heure déchirante de la séparation.
Roland, j’en suis certain, tu surmonteras l’épreuve. Je t’offre pour atténuer ton chagrin quelques cadeaux de grande valeur, et aussi parce que ma compagne ne veut pas les voir à la maison : une chope à l'effigie de Mao Tsé Toung, une petite boîte qui lorsqu’on la retourne imite à merveille le cri du goéland en rut, et un magnifique réveil musulman dont la sonnerie appelle à la prière.
Je tiens à dire enfin que je ne mésestime nullement la jeunesse. Bien au contraire, je la félicite et je la remercie. Elle est le sel de la terre et de plus elle paie ma retraite.
Voilà. Je vous souhaite à toutes et à tous de belles carrières, de belles vies et de beaux enfants pour ceux qui en ont ou qui en auront. Je suis venu vous dire que je m'en vais, mais sachez que vous me manquerez.
Et maintenant vient le rituel, qu'est-ce que je vais bien pouvoir foutre à présent que je suis en retraite ? Soixante et un ans, c’est certain, c’est un peu tard pour se mettre au violoncelle. Mais moi, maintenant que le sexe et l'alcool ne sont plus mes préoccupations premières, il me reste trois grandes passions : le cinéma, les autres arts que le cinéma et les voyages. Il y a bien le golf, aussi, mais là, plutôt mourir tout de suite. Avec ça, j'en ai bien encore pour vingt ans. Le temps d'en finir, ajoutait vous savez peut-être qui.
Notez que des voyages, dans ma carrière j'ai réussi à en faire quelques uns et de très beaux. Neuf séminaires Falcon, d'abord, aucune bête au monde n'en aurait été capable. C’est que j’avais très rapidement trouvé un moyen radical pour être tranquille. Chaque fois que je sentais qu’on allait me poser une question, je disais : I is very sorry, me no speak english. C’est mon ami Rudy Bioletti, autrefois directeur de l’Hydraulic Shop de FJC, et que j’ai revu à Denver l’an dernier, qui m’a initié très jeune. Le séminaire de San Diego, en 1986, je m’en souviens parfaitement. Inoubliable. Le premier jour on est allés lui et moi au zoo, et le second, au Seaworld Park, voir les orques et les dauphins. On a même failli être en retard pour le diner de gala, vu qu’on a été obligés de s’arrêter en route pour acheter des cravates de style McDonald. Et j'ai été obligé d'aller faire mon shopping traditionnel pendant les conclusions.
Mais alors la chance de ma vie, c'est en 1990, quand le KF 103 est passé inopinément en Ultime Secours. En plus, janvier en Inde, c’est comme juin chez nous. C'était donc la première fois que ça arrivait, et tout le monde était très ému, surtout le pilote. Et c'est grâce à cet heureux évènement, réputé de probabilité inférieure à dix moins onze d'après nos calculs, tiens, peut-être que Virginie pourrait les vérifier, et même que Alain a dit très intelligemment que maintenant on était tranquilles pour un moment, que j'ai pu inspecter le Taj Mahal du sol au plafond, visiter le fort rouge, le musée archéologique, la mosquée et le souk de New Delhi, et faire quelques menus achats. Et tout ça dans des hôtels à deux cents dollars la nuit, surtout que c’était pas nous qui'on payait. Dommage que l’avion ne se soit pas crashé, je serais peut-être resté un mois de plus. Ou même quinze ans, en prison. C'est pourquoi je veux ce soir remercier chaleureusement Francis et ses potentiomètres. Francis, je t’ai envoyé une carte postale, elle ne devrait plus tarder. Cela dit, je pars néanmoins avec quelques regrets : je n'ai jamais mis les pieds ni à Clermont-Ferrand, ni à Landivisiau, ni à Cuers, et encore moins à Ambérieu en Bugey. Même pas Charleroi. Roland a toujours refusé de déléguer. Il a aussi toujours refusé d’y aller. Il a seulement consenti une fois à aller visiter Pétra, suite à une ténébreuse affaire de clapet double alimentation de Mirage F1. Si la Jordanie n’avait pas annulé son contrat d’achat de Mirage 2000, moi aussi j’y serais allé, à Pétra, si ça se trouve.
Je n’ai jamais non plus été hélitreuillé sur le Charles de Gaulle mais ça ne me manque pas tellement. On m’aurait proposé par contre le toit de la bibliothèque François Mitterrand, je n’aurais pas dit non. Pour ceux qui l’ignoreraient, le e de Mitterrand se prononce.
Je ne peux pas terminer sans dire deux mots de Céline. J'ai passé vingt ans dessus, je ne vais tout de même pas tout garder pour moi. Céline, donc, quand j'ai fait sa connaissance, elle avait vingt-trois ans. Je lui ai dit ça alors, vous avez le même nom que mon écrivain préféré. Vous êtes de la famille ? Jamais entendu parler, elle m'a fait. Mes enfants appellent ça un râteau. Ma descendance, soit dit en passant, a des préoccupations futiles. Si vous vous intéressez au Tractractros-Logisticus-Philosiphicus de Ludwig Van Wittgenstein, Van comme Beethoven, faites Sabine plus mon nom sur Google, vous en aurez la preuve. Mais pour Céline, il en fallait plus pour m'abattre. Quatre ans plus tard on s'est retrouvés face à face, pour le repas de Noël. Céline, je lui ai dit, je vais te parler de Céline. Pas question, elle a fait, c'est trop triste. Deuxième râteau. Apparemment, entretemps elle s’était un peu renseignée.
Oui, alors, triste, Céline, c'est vite dit. C'est vrai que quelqu'un qui a écrit : La vérité de ce monde c'est la mort. Mourir ou mentir il faut choisir, on ne l'inviterait pas forcément pour animer un banquet de sapeurs pompiers. Mais pour moi ce n'est pas ça l'essentiel. L'essentiel c'est le style. Ce que je vais dire, par exemple, il m'a fallu cinq ans pour le mémoriser. Et même, encore maintenant, parfois, je m’embrouille.
Et je ne pouvais plus l'empêcher Parapine de me donner cent et mille haineux détails sur le métier bouffon de chercheur auquel il était bien obligé pour avoir à bouffer de s'astreindre ; haine plus précise, plus implacable encore que celle que l'on rencontre d'ordinaire chez les gens de sa condition dans les bureaux ou magasins.
J'ai bien essayé moi de mettre un peu de Céline dans mes écrits techniques, mais c'est horriblement difficile, en particulier au niveau de la ponctuation. Et de plus, la hiérarchie appréciait modérément mes tentatives. Alors j'ai plutôt fait dans le procès verbal de gendarmerie. Avec toujours un brin de poésie, quand même. C'est bien aussi, parfois.
Bien sûr je ne vais pas partir brutalement. Dans un premier temps je viendrai tous les deux jours, puis j'espacerai progressivement, jusqu'à ce que Roland soit totalement désintoxiqué.
Il se fait tard. Je crois que je vais m'en tenir là. J’ai bien envie d’un café et d’un jus d’orange. Et d’une Marlboro, surtout. Je vous remercie, pour votre amitié, votre soutien, votre indulgence, pour toutes ces années. Pour m’avoir fait rire, aussi, souvent, même quand parfois je n'en avais pas très envie. Grâce à vous, grâce à tant de gens que j’ai connus et aimés pendant mes jeunes années. Je pense par exemple à Robert Lascret, à Henri Daunois, à Jean Paul Raffin, à Gérard Lafont, à Pierre Robert, à Jean Branly, à Jean Pierre Fontan, à Michel Kerdraon, à Alain Moulla, à Alain Stamm, à Jean Claude Bosqui, à Jean Claude Thiré, à Jean Pierre Blondel, à Jean Michel Getti, à Jacques Aynié, à Michel Bibier Cocatrix, à Henri Barraillé, à Adolphe Jouanneau, à Gérard Bousquet, à René Sibenaler, à Jean Pierre Bassière , à François Leborgne, à Marc Deroo, et je m’arrête ici sinon dans une heure j’y serai encore. Oui, j'ai en moi beaucoup de souvenirs. Dont je m’efforce de faire en sorte qu’ils ne soient pas des feuilles mortes qui se ramassent à la pelle. Depuis longtemps déjà j'en fais profiter ma compagne et mes enfants. Il m’arrive aussi d’écrire sur des choses que j’ai vécues, des petites histoires, en mentant un peu, en caricaturant à peine. J’ai peu de lecteurs mais je les choisis avec parcimonie et à bon escient. Le corse et l’arménien, au cas où quelqu’un ne le saurait pas encore.
C’est comme ça qu’on survit quelque temps, quelques générations parfois, dans quelques mémoires, et pas autrement. C'est ce que je crois.
C'est un moment important pour moi, ce soir. Je suis ému, vraiment. Un peu triste, aussi. Le temps a passé trop vite. Tu as raison, Céline, Céline est triste. Ne le lis pas si tu n’as pas envie. Il y a d'autres écrivains que lui. Il m'a fallu à moi beaucoup trop de temps pour le comprendre. Mais… Le train est entré en gare. Je n’étais plus très sûr de mon aventure quand j’ai vu la machine…J’avais de la peine, de la vraie, pour une fois, pour moi, pour elle, pour tous les hommes. C’est peut-être ça qu’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir.
Et je veux enfin terminer là où j’ai commencé, en citant une seconde fois Marcel Pagnol, qui est lui un auteur des plus recommandables. Mais la citation je ne veux pas la lire. Seulement le début : Telle est la vie des hommes. La suite, vous la trouverez sur Google. Et aussi, si vous l'avez dans votre bibliothèque, dans Le château de ma mère, à l'avant-dernière page. C’est encore mieux.
De nouvelles aventures nous attendent. Je viens de citer Monsieur Bernard. C’est ce qu’il a déclaré publiquement, le jeudi 5 avril 2001 à T0 +30, à propos de l’alcoolisme chronique des potentiomètres BMC.
Demain j’aurai quitté la Division. Tomorrow we will run faster, stretch our arms further. And one fine morning…So we beat on, boats against the current, ceaselessly borne back into the past.
Mais en attendant… Roland, je ne voudrais pas te bousculer ni te harceler, mais je crois que le bar est sur le point d'ouvrir. J’espère que fidèle à tes habitudes tu es le mieux placé.
Merci. Buvez à présent en paix.
Oh mais non, attendez une minute, ça me revient, y'a pas le feu au lac, du Salon du Bourget, comme ils disent à Annecy, un soir j'ai rencontré le Vice Président de Marcel Dassault, un ami intime de Monsieur Bernard d'ailleurs, avec qui il joue fréquemment au golf. Il paraissait cet homme un peu contrarié parce qu'on pensait qu'on avait failli faire exploser les réservoirs hydrauliques en vol. Chief Joseph Premier avait souhaité que je l'accompagne parce que c'est moi, un samedi matin à Istres, qui avais fait les enregistrements de pressions destinés à s'assurer que tout allait bien. Tout allait bien sauf que ma première épouse, me voyant passer le weekend à m'amuser au lieu de m'occuper de Sabine et de Émilie, faisait des crises de nerfs répétitrices. Vous en êtes certain que y'avait rien de spécial ? Vous aviez mis l'enregistreur sous tension ? me demandait Chief Joseph Premier toutes les trois minutes avec un air de plus en plus soupçonneux, tandis que le Vice Président le regardait, lui, avec un air encore plus soupçonneux. Je me sentais prêt à avouer n'importe quoi. Fort heureusement un certain Dubois, j'ai bien connu un de ses cousins, c'est même lui que j'ai remplacé, au service des bons à rien, en 1981, Année de gloire s'il en fut, et qui était le plus mauvais joueur de tarot de tous les temps, cet autre Dubois, qui passait par là s'est écrié, mais vous en faites donc pas, le capteur pour enregistrer les pressions, y'a longtemps qu'on l'a foutu ailleurs. La bonne humeur est revenue. Et c'est tout juste s'il ne m'a pas embrassé. Mais Chief Joseph Premier sa bonne humeur elle n'a pas duré très longtemps. Quand il s'est aperçu qu'on avait oublié de tester le réservoir en surpression il a appelé Monsieur Indiana et lui a fermement conseillé d'aller à la pêche. Légèrement vexé Indiana s'est précipité la laboratoire et a foncé sur Pierre. Il est où, le foutu rapport ? J'en sais rien et je m'en fous, a dit Pierre, qui jouait aux échecs. Ca vous dit, de venir à la pêche avec moi, a rétorqué Indiana. Mais heureusement j'étais là. J'ai brandi le rapport. Je confirme, Monsieur, c'est moi qui ai fait les essais, et l'essai je ne l'ai pas fait. Indiana m'a regardé fixement et m'a dit, j'ai toujours pensé qu'on ne pourra jamais rien vous reprocher. Oh mais ça me rappelle aussi le Monsieur des services officiels qui surveillait les essais du réservoir. A table il nous a raconté à Pierre et à moi l'histoire du lit vertical. Ben oui, c'est une histoire à dormir debout. Je lui aurais bien raconté l'histoire du devin mais je ne la connaissais pas encore. C'était un homme dans mon genre. Quarante ans dans la même fonction, et un souci de tous les instants, faire faire son boulot par quelqu'un d'autre. Mais pour en revenir à Indiana, de hommes comme lui j'en ai pas connu des brouettes. Il était de la Creuse et tout les matins il passait trois quarts d'heure sur Les Echos, rapport à son patrimoine. Après sa retraite il est un peu revenu, à cause d'un problème de blow-by, qu'on avait encore failli perdre un avion, et si quelqu'un vous dit qu'il sait ce que c'est, le blow-by, c'est un menteur. Je lui ai dit comme ça, pour le détendre ,vous lisez plus Les Echos. à présent ? C'était le bon temps, il a fait, et il est parti en courant à sa réunion. Chaque fois qu'il entendait un nom à consonance savoyarde il bondissait de son fauteuil et s'écriait, tous des cons. J'ai su qu'il s'est suicidé. Avant il avait fait une dépression d'un an. Et loupé, en plus. Il a fini légume, c'est triste. Mieux vaut parler de la pêche à la la ligne. Par exemple, la façon d'accrocher les asticots, c'est pas inné, c'est mon père qui m'a appris. Oh là, il est huit heures, j'ai à peine commencé et Roland a très soif. Ah et tiens, je repense, je ne sais pas pourquoi, à Dubois. Il était marrant. Il avait habité dans l'immeuble Le France, mais il n'était pas resté très longtemps, à cause des murs qui étaient ovales et que c'était impossible à meubler. J'ai découvert aussi que son beau-frère habitait à côté de chez moi. Oh mais excusez-moi une seconde, on peut pas commencer sans Totof. Il est là ? Je le vois pas. Il est facile à reconnaître, c’est le sosie d’Errol Flynn et il porte des cravates uniques au monde. Et rater un pot c’est pas son genre. Je l’ai rencontré il y a peu. J’allais chez Emily et lui il en revenait. Il va bien, Roland, ? il m’a fait. Ca fait longtemps que je l’ai pas embêté. Oui, parce que faut dire que son boulot, à Totof, c’est de faire pleurer les fournisseurs. Alors j’ai allumé une Marlboro, j’ai réfléchi deux secondes et j’ai dit, ça peut peut-être s’arranger. Retourne à ton bureau, pour une fois, je t’envoie un mail. Le mail disait, Totof, envoie à Roland le texte suivant : Cher Roland, je ne te cacherai pas plus longtemps que nous nourrissons les plus vives inquiétudes quant à la fiabilité des servocommandes Rafale, au point que je suis au bord d’alerter la Direction Générale Technique. C’est une véritable hécatombe. Les talibans se gaussent de nous. J’attends de ta part dans la journée un rapport préliminaire précisant l’analyse des causes racine et les actions correctives en cours. Putain de merde, manquait plus que lui, a fait Roland. Je suis pas débordé, j’ai fait, je veux bien lui répondre. Alors avec Totof on a eu un échange intéressant, par mails. Quelle est la capitale de l’Islande ? Paimpol. Reykjavik, imbécile. Ben oui, Paimpol ça se dit Reykjavik, en breton. Au point que Roland m’a demandé si je me sentais capable d’y aller à pied, à l’asile, ou s’il fallait qu’il appelle une ambulance. Alors Totof dans les réunions il a toujours le mot pour rire. Thalès, faut pas faire attention, ils boivent. Eux, ce qu’ils font, ça relève de la mutation disciplinaire. Totof, vraiment, il gagne à être connu. Au début du Rafale il y avait des convertisseurs qui tombaient tout le temps en panne. Au BE Elec, sans mollir, ils leur ont envoyé Totof. Et Monsieur Bernard, quand il eu vent de l’affaire, il m’a envoyé moi. On a bien rigolé, le marchand de convertisseurs nettement moins. Mais sa principale caractéristique, à Totof, c'est qu’on dirait qu’il a un pénis dans la tête. Il voit une nana, il devient comme le loup de Tex Avery. Il a beaucoup d’affection pour nos secrétaires. Il les invite à diner, sans succès, en permanence. La dernière réunion où on est allé ensemble, on s'est bien amusés. C'était un prestataire qui venait de passer six mois sur une application bien aussi débile et inutile que les autres. Son chef l'avait laissé tout seul, sans doute par peur de se faire insulter. Il était tout ému, le pauvre. Moi dès la deuxième diapo je lui ai démontré en deux phrases que c'était complètement con et j'ai passé le relais à Totof, qui a balancé des vannes en rafales. L'essentiel de l'assistance est partie sans dire un mot. Il ne restait plus que nous trois, on en était à la moitié des diapos quand Roland a fait oh, la cantine va ouvrir, et on est partis en le laissant seul le prestataire avec Toof. J'ai vu le chef, un peu après. Il va bien, ton prestataire, j'ai demandé. Oui oui, mieux, il se repose dans un monastère. Oh là là mais l'heure tourne...
....
Mon discours aura duré trois jours et trois nuits, pendant lesquels j'ai fumé une cartouche de Marlboro. Quand j'ai eu terminé je me suis approché de Roland je lui ai dit, Roland, à présent que j'ai fini de m'épancher, tu vas pouvoir t'étancher. Alors il m'a dit, Michel, j’ai même plus soif, et alors tu veux que te dise, ton discours il m'a fait chier énormément. J'ai personnellement lu Ulysses quatre fois et en anglais, c'est autre chose. Alors je lui ai dit, Roland, Ulysses je l'ai acheté à Dublin, au Joyce Center, que je n'aurais jamais trouvé si un vieil Irlandais qui passait le balai dans un pub ne me l'avait pas montré. Et Joyce, je vais te dire une bonne chose, je ne le lirai jamais. Je pense comme Céline, qui disait comme ça, Je n'ai jamais lu Joyce. Il va trop lentement pour moi, il encule trop la mouche. Cela dit, sache qu'en ce monde nous sommes trois à pratiquer couramment le stream of consciousness : Céline, Faulkner et Joyce. Et avec moi ça fait quatre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire