J’ai passé mon enfance dans un petit village de la Vienne. C'est une campagne assez anticléricale. J’allais à la messe en fonction du thermomètre. L’église n’était pas chauffée et ma mère avait toujours peur que je m’enrhume. Tout le monde, y compris les paysans anticléricaux les plus farouches, adorait et respectait le père Achard. Le seul problème c’est qu’il n’y avait pas de micro et qu’il n’avait pas de voix, ce qui fait que jamais personne n’a entendu quoi que ce soit de ses homélies.
Un jour il est passé à la maison pour le denier du culte. Je faisais du latin. Il m’a dit qu’au Séminaire, on devait apprendre à réciter Les Bucoliques à l’envers. Cinquante ans plus tard je suis toujours perplexe.
D’autant que j’ai toujours détesté traduire Virgile. Et pourtant je ne suis pas peu fier de dire que j’ai été premier en latin sans discontinuer pendant six ans. Du reste toute ma classe avait de bonnes notes puisque je vendais les traductions. J’avais deux préférés, Tacite pour la limpidité et Tite-Live pour la difficulté. Avec Tite-Live on peut faire un contresens par phrase.
Le latin est un complément indispensable à toute formation scientifique. Par contre je suis au regret de dire qu’à mes yeux le latin d’église est un appauvrissement de la langue originelle.
Tout le monde dit du successeur du père Achard qu’il est spécial et qu’il n’a pas très bon caractère. Il a enterré mon père et ma mère. Lorsque je suis allé le voir il m’a dit que chez lui la messe c’était en grégorien et en entier. Les gens qui veulent seulement une bénédiction, il a ajouté, je leur conseille d’aller directement au cimetière. La musique de l'absoute seulement est au choix de la famille. Après quoi il a passé un quart d’heure à me décrire son vitrail du treizième siècle, et au moins autant à me faire visiter le retable.
Pour mon père j'ai choisi Le chant de la terre, de Gustav Mahler. L'église n'était pas assez grande pour laisser pénétrer tous les bouffeurs de curés de la commune.
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