Honfleur, j'y suis allé trois fois et j'ignore s'il y aura ou non une quatrième. Deux fois en 1988, et retour en 2011. Et j'ai alors subi ce que j'ai envie d'appeler le syndrome de Ullapool.
Ullapool est un port de pêche au nord-ouest des Highlands. Il nous avait fallu des heures de routes à une voie, en 1976, pour y parvenir. Il y avait des refuges. Lorsqu’une voiture arrivait en face, le plus proche du refuge reculait pour laisser passer l’autre et on se faisait un signe de main. A Ullapool on est restés longtemps sur la grève. Je me sentais aux extrémités du monde. Il y avait des bateaux et un pub et rien d’autre. Le pub il y avait deux salles, celle des prolos de base et celle des prolos un peu moins rugueux et des femmes. J’étais mort de trouille et j’ai voulu la version soft. Isabelle a fait une terrible et durable colère et j’ai compris bien plus tard qu’elle avait eu raison.
Des routes à une voie, j’en ai quand même encore trouvé quelques unes, dans Skye Island, il y a deux ans. On fait tout pour que les touristes ne les prennent pas. Ullapool par contre on y va par une route à deux voies en parfait état et les paysages sont inchangés et toujours sublimes. C’est devenu Ullapool une grosse quantité de commerces d’artisanat et c’est là, en Écosse, qu’il est intelligent de faire son shopping. Mais je n’ai passé que quelques minutes sur la grève. La magie du lieu, comme ma jeunesse, était partie. Je ne me sentais plus aux extrémités du monde.
J’ai déjeuné au Seaforth, qui sert tout aussi bien des fish and chips, des burgers et des plateaux de fruits de mer. Je suis parti avec deux regrets. Un, de n’avoir pris pour dix-huit pounds qu’une demi-langouste au lieu d’une entière pour trente-deux. Deux, d’avoir dit à mes voisins de droite, un couple de Français avec deux enfants, qu’ils ne savaient pas ce qu’ils perdaient. Ah les cons, je pensais, alors que le con c’était peut-être bien moi. Leur budget n’était pas le même que le mien, sans doute. Mais qu’importe, quand j’aurai le temps je reviendrai à Ullapool.
Nous sommes arrivés à Honfleur en fin de matinée et pour une fois avons trouvé l’hôtel plutôt facilement. Il y a même un parking où ma misérable Mégane a côtoyé une Porsche pendant tout le weekend. J’espère que le propriétaire de la Porsche ne s’est pas plaint. La Diligence est le nom de l’établissement. Personnel jeune et avenant qui se précipite dès qu’on éternue. C’est un genre de motel, au premier étage duquel, c’est là que nous étions, court une balustrade avec pour chaque chambre un fauteuil et une petite table. Une coquille d’huître volée au restaurant à midi m’a fait office de luxueux cendrier pour mes méditations nocturnes. Curieusement la décoration extérieure est énormément de tendance bouddhiste, ce qui a enchanté Dominique, férue de yoga et de tout ce qui est chinois, qui ne sert à rien et qui porte un nom imprononçable. Le papier peint à dominante florale de la chambre ne m’a pas vraiment dérangé. Il suffisait de ne pas le regarder. Ce qui m’a un peu gêné, par contre, c’est le minibar. En voyant la bouteille de Champagne, j’ai éprouvé une assez forte sensation de manque. C'est vrai, je le sais d’expérience, que ça peut être agréable, le Champagne, cela dit je n’ai jamais couru après, mais ce n’est pas ça qui m’a fait mal. C’est que j'en ai bu souvent, dans ma jeunesse, du Champagne, mais alors jamais dans des verres. Je sais bien qu’on peut faire ça aussi avec du Perrier, mais bon, ce n’est pas la même poésie.
Nous avons derechef foncé vers le Vieux Bassin, et là, horreur, on a découvert une interminable litanie de baraques à frites où se pressait une foule bidochonnesque. Ca va être dur, je me suis dit. Dominique a proposé pour déjeuner Le Baudelaire, où Charles aurait pu aller s’il était passé par la région. C’est un bar disco qui m’a rappelé le Sloppy Joe, le bistrot préféré de Hemingway à Key West. Quand on en ressort, on est sourd pour un moment.
Baudelaire est à Montparnasse. Sa tombe est sans intérêt autre que le fait que le général Aupick, son beau-père, lui tient compagnie. Émilie avait coché sur son exemplaire des Fleurs du Mal tous les vers les plus morbides et on ne sait toujours pas pourquoi. Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs.
J’ai fini par en trouver un, de restaurant, décent, bon et pas cher, mais j’étais trop épuisé par la recherche pour noter le nom. Ce qu’on a apprécié modérément aussi, c’est qu’il n’y a plus de bateaux. Un navigateur de bistrot, rencontré l’après-midi sur le chemin des Maisons Satie, m’a expliqué que ça a à voir avec les marées. Je n’ai strictement rien compris, il faut dire qu’il n’était pas à jeun et que ses explications étaient un peu confuses. Il faut dire aussi que je n’y connais scientifiquement rien, aux marées.
Tout ça n’était pas très engageant mais ça s’est arrangé. D’abord on a vu la façade de la maison d’Alphonse Allais. J’ai lu Alphonse Allais à la même époque qu’Arsène Lupin et ça me plaisait bien. Je me souviens d’une nouvelle où quelqu’un achète un hareng et entreprend progressivement de lui apprendre à respirer et à se passer d’eau. Le hareng, à la fin, devenu totalement autonome, échappe hélas à la vigilance de son maître, tombe à l’eau et se noie. Je l’aime, cette nouvelle, au point que j’ai eu envie d’offrir un hareng à mon psychanalyste lacanien et péteur, Mais je ne l’ai pas fait. Il m’aurait fait payer un supplément, ce con.
J’aime bien également quand Wikipedia raconte la fin de fonce Alphonse, qui est aussi le fils d’Antoine Doinel. Et c‘est même pour ça que Quentin s’appelle aussi Alphonse et Antoine Antoine.
Il meurt frappé d'une embolie pulmonaire, consécutive à une phlébite pour laquelle son médecin lui ordonne de rester au lit pendant six mois. Négligeant cette recommandation, il va au café, comme tous les jours et, à un ami qui le raccompagne à son domicile, il fait sa dernière plaisanterie :
« Demain je serai mort ! Vous trouvez ça drôle, mais moi je ne ris pas. Demain, je serai mort ! »
Comme il l'avait annoncé, il meurt le lendemain. Il est enterré au cimetière parisien de Saint-Ouen. À la fin de la Seconde Guerre mondiale (en 1944), une bombe de la Royal Air Force a totalement pulvérisé sa tombe… Ses cendres « virtuelles » ont été transférées à Montmartre en 2005.
Il reste de lui l'image d'un homme à l'humour acide et un spécialiste de la théorie de l'absurde. Ses travaux scientifiques sont moins connus (recherches sur la photographie couleur et dépôt d'un brevet pour du café lyophilisé, ainsi que des travaux très poussés sur la synthèse du caoutchouc).
On a vu l’église, aussi. Double nef et clocher indépendant, tout en bois. Il y a eu aussi un mariage franco-britannique, des beaufs et pas qu’à moitié. Ils ont eu la bonne idée de venir camper dans le bistrot où on buvait notre café. Il y avait une nana, la quarantaine finissante, mais plutôt bien conservée, à moitié bourrée, et bien décidée à se faire sauter par tous les mâles de la cérémonie, qui promenait son cul dans tous sens. J’étais tellement contrarié que je l’ai pas photographié, son pétard. Pas digne de figurer à côté de celui de Pippa. Et même que l’église, le deuxième soir on a dîné à proximité immédiate, et que j’ai chopé une mauvaise humeur tenace. Mais on n’y est pas encore. Et surtout, surtout, ce premier soir on a dîné au Vieux Honfleur. C’est de l’autre côté, et derrière il y a la Place Eugène Boudin, magnifique, qui nous a consolés de ne pas avoir visité le Musée Eugène Boudin. Il y a une sorte d’église reconvertie en musée des terre neuvas ou de la marine, je sais plus trop, mais c’était fermé. Il y a enfin les greniers à sel. Mais enfin c’est insensé, disait Dominique exaspérée, je sais très bien qu’ils sont là et je les trouve pas. C’est parce tu es à moitié couchée dessus, j’ai fait, et je n’ai pas poussé mon avantage plus loin, en général ça ne me réussit pas. Ca peut se comprendre, dans le fond, c’est comme moi quand je cherche mes lunettes et qu’elles sont sur mon nez.
Au Vieux Honfleur je suis désolé, je ne sais plus du tout ce que j’ai mangé. C’est que mon esprit était doublement accaparé. Il faudrait être Chateaubriand ou Proust ou les deux, encore une fois, pour décrire le changement de lumière sur le Vieux Bassin de Honfleur, avec les auvents des restaurants qui se reflètent dans l’eau immobile pendant que tombe la nuit. Mais d’abord et avant tout, c’est le postérieur de la serveuse qui a retenu mon attention et pas seulement la mienne. Alors ben oui, j’ai fauté, je l’ai photographié. Mais bon, on ne voit pas du tout son visage, à la jeune personne, donc si j’ose dire y’a pas mort d’homme. Et puis quand même, miracle de l’informatique, il siège à présent et pour toujours, sur mon écran, aux côtés de celui de Pippa et de quelques autres. Et enfin merde, comme disait Arletty, mon cul est international.
Le deuxième soir on a dîné dans un restaurant chic, près de l’église. Toute la journée j’avais cherché celui où j’avais dîné, en juin 1988, avec Rudy Bioletti et son épouse. J’aurais des choses à raconter, sur Rudy Bioletti. Je l’ai revu l’été dernier, à Denver. On a dîné chez Marlowe, comme Philip Marlowe. Mais pas comme le Marlowe’s de Stratford upon Avon, où je n’ai pas pu dîner. Jon son fils se souvenait qu’un soir je lui avais montré, il était adolescent, comment changer un paquet de Marlboro en grenouille. Pour son départ en retraite, à Rudy, je lui ai fait envoyer The Life and Times of W.C Fields, que je n’ai toujours pas lu. Et j’ai écrit un discours, c’est Bob qui l’a lu.
Mais en 1988 nous étions dans un Worldwide Seminar, à Deauville. Ils avaient organisé ça histoire sans doute de permettre aux costards cravates du Middle West à chier partout d'aller transpirer comme des bœufs sur la plage en louchant sur les seins nus de filles qui auraient pu être les leurs, et ce pendant que celles de leurs épouses qui n’étaient pas occupées à faire exploser la carte affaires de leur cocu de mari gloussaient et se prenaient mutuellement en photo sur les plages du débarquement et à l'intérieur des cimetières militaires, avec leur gros cul posé sur les croix.
Deauville, j’ai dit à Rudy, ça pue le fric et la vulgarité. Ce soir, je t'emmène dîner dans un endroit où on respire bien. Ce fut donc Honfleur. C'est une ville de peintres, je lui ai dit. Pas des peintres en bâtiment comme toi, des peintres qui font des paysages. Et aussi, c'est le pays d'Érik Satie. Renseigne-toi au retour. On a ainsi dîné dans un restaurant de fruits de mer, à côté de l’église. Jamais il n’avait vu Rudy des huîtres, des langoustines et des coquillages aussi énormes. Robin avait peur des huîtres. Et moi j’étais très en forme. J’ai parlé de littérature toute la soirée. D'abord de Maupassant, qui connaissait bien la région. La syphilis au dix-neuvième siècle, ainsi, entre parenthèses, que l'absinthe, j’ai expliqué, ont provoqué chez les intellectuels une véritable hécatombe. Forcément, ils passaient la moitié de leur vie au bordel, ils baisaient tout ce qui bougeait et pour finir, fatalement, ils chopaient chtouille après chtouille et ils en crevaient. Maintenant, heureusement, grâce aux antibiotiques et aux capotes, on a noté qu'ils vivent nettement plus vieux. Il a eu droit aussi à Marcel Proust. Pédé comme un phoque. Ne me demandez pas pourquoi les phoques sont pédés, je suis allé au zoo et j’ai jamais rien vu, mais il paraît que c'est fréquent, chez les buveurs de thé. Moi, le thé, ce n'est pas mon truc, mais je n'ai rien contre. Il faut être tolérant. Avec ses quatre litres de thé par jour, j’ai poursuivi, le Marcel, il écrivait très bien et beaucoup, malgré qu'il se couchait de bonne heure. Le seul problème, c'est que comme disait je ne sais plus qui, il faut attendre huit cents pages pour savoir si oui ou non le baron a enculé la duchesse. C'est à peine soutenable. Ah ben tiens, ça me donne une idée. Demain soir on ira dîner au Grand Hôtel de Cabourg. Marcel y était tout le temps fourré, si j'ose dire. On mange très mal, c'est atrocement cher, il pleut tout le temps, mais on est bien assis, c'est agréablement décoré et le service est impeccable. Il y a même un piano.
Trois bouteilles de Muscadet plus tard, et après avoir testé tous les Calvados de l'établissement, je lui ai dit tu vois, Rudy, j’ai passé un bon moment, mais maintenant va falloir essayer de retrouver la voiture d'abord et l'hôtel ensuite.
Je n’arrive pas à retrouver le nom du restaurant de l’église. Le service était impeccable et les tarifs modérés. J’ai eu du gaspacho avec des huîtres pochées, suivis de lotte accompagnée de ris de veau. Rien à dire. Mais alors ce qui m’a sidéré, c’est l’incompétence crasse, la robotisation consternante, de la direction. La dame a réussi certes à me réciter par cœur la recette du gaspacho, mais pourquoi pochées et pas crues, seul le chef le sait. J’ai connu bien des endroits, à Varsovie, à Flagstaff Arizona et ailleurs et même à Dissay où j’étais à l’école primaire avec lui, où le chef prend le temps de venir discuter le bout de gras avec la clientèle. Là, non. J’ai un peu souri in petto, quand même, quand je me suis abandonné à dire à la dame que le clocher au clair de lune était fantastique, et qu’elle a répondu que c’était parce que les jours étaient très longs. Mais alors, ce qui m’a pourri littéralement le dîner, c’est que cette dame n’a pas un instant jugé utile et professionnellement obligatoire d’interrompre les vociférations insupportables de deux couples friqués, vulgaires aux limites du tolérable et affichant des prétentions culturelles d’un ridicule absolu. Bel Khacem dans son bistrot sordide où je prends mon petit déjeuner, modère systématiquement les ardeurs de tout client qui fait trop de bruit. A l’Auberge des Culs Coincés de Honfleur ce n’est pas le cas.
En nous dirigeant vers les Maisons Satie nous avons fait halte dans un établissement qui ne payait pas de mine, dans la rue haute ou la rue basse, enfin celle où il n’y a pas de touristes. J’ai un pif, pour ça. Et donc, ça n’est pas parce qu’on a bu un double café après déjeuner que c‘est interdit d’en prendre un autre une heure après. La dame était dans la trentaine, un peu décolletée mais pas assez à mon goût, et l’air de quelqu’un qui a tout entendu et qui s’en fout énormément. J’ai commandé un café verre d’eau, en fait de verre j’ai eu un litre. Un gentleman, dont je n’ai pas compris s’il avait ou non des relations avec la dame, terminait son déjeuner sur un double Calvados. Je dis gentleman parce qu’au bout d’un moment, lorsqu’on a commencé à sympathiser et qu’il s’est mis à fournir à Dominique, toujours soucieuse de s’instruire, des informations très précises et à caractère maritime, alors que j’ai compris qu’il œuvre cet homme dans le bâtiment, jamais il ne s’est laissé aller à la moindre grossièreté.
Il devisait donc aimablement et à la satisfaction générale avec la clientèle, un peu rustre mais des plus sympathiques, et avait pour chacun des mots d’esprit des plus amusants. Il a par exemple apostrophé un Noir qui s’en allait, accompagné d’une jeune femme blonde visiblement du cru. T’es bien plombier, hein ? Non, ben fais pas une tête pareille, je sais bien qu’on est samedi, je vais pas te demander de bosser. En tout cas, tu vois, elle, on n’a pas su lui donner assez de bonheur, alors maintenant on compte sur toi. Après ça, un chauve nous est passé devant et a lancé : Au revoir Mesdames, Mesdemoiselles, Mes cheveux.
C’est le genre d’endroit où de tout temps j’ai adoré faire la fermeture. Même, l’espace d’un instant, j’ai songé à renoncer aux Maisons Satie, mais je me suis dit que ça pourrait être mal perçu. Mais quand même, pour montrer ma reconnaissance, j’ai raconté l’histoire du camionneur qui fait Paris Lyon Marseille, et qui embarque, porte d’Orléans, une sorte de saute au paf qui lui fait jusqu’à Lyon des avances insensées, mais qui le laissent totalement indifférent. Il quitte l’autoroute à Lyon et s’arrête au premier bistrot. Il commande douze demis, les boit sans dire un mot, puis sort son zob, le regarde et déclare : Toi, t’as pas été foutu de bander entre Paris et Lyon, tu pisseras pas avant Marseille.
On y va, a fait Dominique. Si tu racontes l’histoire du devin, tu fais tes valises. Précaution inutile, depuis qu’un soir j’ai occupé avec l’histoire du devin précisément, pendant vingt minutes, le serveur d’un restaurant de fruits de mer archibondé d’une clientèle au bord de l’émeute, et que ça m’a fait, le lendemain, une engueulade sur 250 kilomètres d’autoroute, je ne la raconte plus que lorsque je suis seul.
Il y avait en face du gentleman dont j’ai parlé un autre gentleman, qui dormait du sommeil du juste. En partant j’ai dit, par politesse, Monsieur, vous voudrez bien présenter nos excuses à Monsieur, pour ne pas lui avoir dit au revoir. Ce sera fait sans faute, m’a-t-il été répondu, mais seulement vers six heures, c’est là seulement qu’il se remet à la bière.
Les Maisons Satie, alors c’est véritablement extraordinaire. Une enfilade de pièces où on s’attend à tout sauf à ce qu’on trouve. Il y a même un genre de manège où on peut faire du vélo. Je peux le prouver, j’ai des photos. Même la boutique est étonnante. Les teeshirts qu’on y vend, c’est seulement pour les enfants de quatre ans. Satie je pense était maniaco-dépressif et ne prenait pas son lithium, qui n’existait pas. Alors que moi, sauf exception, oui. Quiconque est bizarre de nos jours est maniaco-dépressif.
Satie est mort dans la misère, il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok. C’est dans une chanson de Léo Ferré. Je l’ai énormément écouté, Léo Ferré, mais il en a fait tellement, des chansons, que je ne sais pas laquelle c’est. J’ai eu un peu de succès par contre un soir, il y a quelques années, en chantant au karaoké avec quatre margharitas dans le corps, Avec le temps. La misère en tout cas, Wiki la confirme.
Le 1er juillet 1925, Erik Satie meurt sur son lit d’hôpital. L’anecdote la plus connue concernant Satie est probablement celle relative à ce que ses amis trouvèrent lorsque, à sa mort, ils pénétrèrent dans son studio d’Arcueil, auquel Satie refusait l’accès à quiconque.
Ils y trouvèrent deux pianos complètement désaccordés et attachés ensemble, remplis de correspondances non ouvertes (auxquelles il avait toutefois en partie répondu) et derrière lesquels ont été retrouvées un certain nombre de partitions jusqu’alors inédites, comme celle de Geneviève de Brabant qu’il pensait avoir perdue. Dans un placard, une collection de parapluies et de faux-cols. Et dans l’armoire, des costumes de velours gris identiques au sempiternel costume que Satie portait toujours : il les avait fait faire d’avance et en prenait un nouveau lorsque le précédent commençait à être trop usé.
L’état du studio révélait la pauvreté dans laquelle avait vécu Satie : ne pouvant vivre de ses talents de musicien, il ne se plaignait toutefois pas ou très peu. Quant à demander une aide financière à ses proches, c’était chose encore plus rare et plus difficile pour lui. Il n’allait pratiquement jamais demander de l’aide à ses amis, lui qui était pourtant très entouré.
Quelques rares proches se doutaient de sa situation, mais ce n’est qu’à sa mort, en découvrant l’appartement, qu’ils prirent conscience de la misère dans laquelle il vivait, misère qu’il surnommait « la petite fille aux grands yeux verts ».
Une plaque à son nom est visible sur sa maison à Montmartre, à Honfleur, ainsi qu’à Arcueil. On peut visiter sa maison d’enfance à Honfleur, transformée en musée. C’était aussi le cas du petit Musée-Placard d'Erik Satie au 6 rue Cortot, à Paris, jusqu’à sa fermeture au public en 2008.
Les gnossiennes hantent Le feu follet, de Louis Malle, avec Maurice Ronet, que le rôle habite au point que beaucoup pensent qu’il s’est lui-même suicidé. Dans le film, l'alcool lui a servi à ne pas se voir changer et à ne pas voir la vie comme elle était vraiment. La cure de désintoxication finie, la réalité le rattrape, il ne peut le supporter. Sa fatigue psychologique l'enfonce dans sa vision tragique du destin. Alain se tue pour ne pas vieillir.
J’ai gardé pour la fin le meilleur, la Côte de Grâce. La fois précédente on avait pris la petite route si tranquille qui monte si doucement. Émilie marchait joyeusement, mais Sabine ne voulait pas de la côte de grâce. Elle faisait deux mètres, mettait ses bras autour de sa poitrine et s’arrêtait. Je la filmais, je l’engueulais, elle s’en foutait. Dominique poussait le landau d’Antoine et ne disait rien.
Cette fois on a pris le raccourci. Il est plus court et plus raide. On a été dépassés par un homme et son chien. Vous y serez dans dix minutes, il nous a dit. Vingt minutes plus tard, on reprenait notre souffle sur un banc, on l’a vu descendre. Vous avez fait vite, il nous a dit. Non, j’ai dit, on n’y est toujours pas, on a pris le temps de faire une sieste crapuleuse. Félicitations, a dit l’homme et il est parti. Lui et son chien on ne les a jamais revus.
Je me réjouissais à l’idée de revoir les maquettes de bateaux de la chapelle. Il en reste deux à tout casser. Ca leur suffisait pas, à ces malfaisants, le pillage de troncs, il a fallu en plus qu’ils volent les bateaux. Le pillage de tronc, activité en voie d’extinction du fait de la radinerie des fidèles, ressemble furieusement, tout comme la psychanalyse, à la pêche à la ligne. On met au bout d’une ficelle un caramel bien mâché et on introduit délicatement l’objet dans la fente.
Plus de bateaux à la chapelle de la Côte de Grâce, plus de bateaux au Vieux Bassin. C’est la faute à la fatalité.
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